Le Mémorial du Tränenpalast se situe dans le bâtiment d'origine de l'administration est-allemande pour le transit légal entre l'Est et l'Ouest. Il est aujourd'hui un lieu de mémoire grandement diminué en raison de la surinformation.
La visite du Mémorial du Tränenpalast est facultative
La fermeture de Berlin-Ouest à partir d'août 1961 entraine la brutalisation de l'Etat policier est-allemand. Les réfractaires sont emprisonnés par centaines, les habitants des immeubles jouxtant le Mur de Berlin sont expulsés de leur logement. Les voies de communication sont entravées et les contacts entre les personnes des deux côtés demeurent proscrits jusqu'à l'hiver 1961/62. La ville est défigurée et la séparation des familles constitue un traumatisme qui devait marquer la mémoire collective pendant près de 30 ans.
En 1962, la politique de la main tendue menée par le maire de Berlin-Ouest Willy Brandt permet une certaine détente. La RDA autorise les familles de se retrouver, mais seuls les Allemands de l'Ouest peuvent se rendre de l'autre côté du mur ; la réciproque est impossible, en tout cas pas avant la normalisation entre les deux États, quelques dix années plus tard. Un bâtiment de transit est construit à cet égard près de la gare de la Friedrichstrasse, à Berlin-Est donc. C'est ici que les Berlinois de l'Ouest venus rendre visite à leurs proches leur faisaient leurs adieux avant de repartir. C'est le lieu des déchirements : Tränenpalast signifie littéralement Palais des Larmes.
A partir des années 1970, la gare devient le lieu d'expulsion des candidats à l'émigration, c'est-à-dire ceux qui avaient fait une demande officielle pour quitter définitivement le territoire. La RDA en faisait rarement la publicité, mais le Tränenpalast acquiert dès lors une aura particulière : la défiance et la résistance. Après la Réunification, le bâtiment accueille un club de jazz assez populaire jusqu'en 2006. En 2011, le mémorial est inauguré en présence de la Chancelière Angela Merkel, qui a connu la division et souffert personnellement de la séparation des familles.
Une exposition datée et mal concue
Le Mémorial du Tränenpalast se situe dans le bâtiment de l'ancien poste-frontière. Son aspect extérieur n'a pas été altéré par les travaux de rénovation post-Réunification et dévoile une étonnante architecture au revêtement céramique. L'élément principal demeure le verre, ce qui renverrait symboliquement à une volonté de transparence mais qui, à l'époque de la RDA, n'était qu'une illusion. A l'intérieur, cette étrange combinaison produit au contraire un effet de malaise et d'enfermement.
La surface de l'exposition se limite à l'ancien grand hall. Dans cette salle unique, différents modules de taille inégale sont présentés selon une approche thématique ou chronologique. Toutes les grandes dates sont abordées pêle-mêle : 1949 et la fondation des deux États allemands, 1953 et les révoltes en RDA, 1961 et la fermeture de Berlin-Ouest, 1989 et la chute du Mur de Berlin. Entre deux événements, des stations plus spécifiques renseignent sur le système frontalier et accessoirement sur le Tränenpalast, en particulier une superbe maquette sur le fonctionnement du transit des voyageurs. Quelques objets et pancartes d'époque sont disséminés à côté de plusieurs stations audio et vidéo, d'ailleurs fort bruyantes.
L'ordre de visite s'effectue sur une rotation autour des anciens guichets d'enregistrement, pièces centrales du mémorial et malheureusement fermés au public pour la plupart. Toutefois, les modules sont trop nombreux et surchargés sans réel développement. Leurs sujets sont beaucoup trop vastes pour un si petit espace et il en résulte le sentiment de survoler les questions sans pouvoir les approfondir. Ce manque de profondeur est en partie comblé par l'excellent audioguide. Néanmoins, c'est le signe que l'exposition ne peut se suffire à elle-même.
Les méfaits de la muséalisation
Le Mémorial du Tränenpalast souffre d'un problème de définition. Bien que le bâtiment soit classé monument historique et considéré comme un lieu de mémoire, la muséographie est d'abord celle d'un musée, et non d'un mémorial. Cela s'explique entre autres par le fait que le Tränenpalast soit rattaché à la Maison de l'Histoire de la République fédérale d'Allemagne. Cette fondation s'est illustrée la création à Bonn d'un remarquable centre de documentation et à Berlin de l'excellent Musée de la Vie quotidienne en RDA. C'est donc moins un travail de mémoire que d'histoire politique.
En cherchant à muséaliser le Tränenpalast, les administrateurs ont annihilé la portée émotionnelle au profit d'une maximisation de l'information. Le résultat est très discutable et interroge sur les motivations de certains historiens et pédagogues en mal d'exhaustivité et de projets.
Une alternative aurait été de considérer le Tränenpalast pour ce qu'il est avant tout : un lieu de mémoire. La mémoire des pleurs et de la séparation des familles. La mémoire des peurs et de la froideur bureaucratique. La mémoire de l'espoir, de l'exil et du renouveau. Pour être transmises, ces mémoires pourraient reposer sur deux choses déjà disponibles : les éléments biographiques et les lieux d'origine. Les informations strictement académiques peuvent être abordées dans un centre de documentation. A ce titre, le Tränenpalast peut s'inspirer des exemples du Mémorial du Mur, de celui de la Prison de la Stasi et de celui aux Morts de l'Armée allemande.
Atouts
Un bâtiment authentique et déconcertant
La division allemande sous un autre angle
Un excellent audio-guide
Limites
Un apport émotionnel presque nul
Un remplissage inutile
La transformation en musée
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